All delighted people

out of the forest, i come with my flowers
Un soir d’Halloween, une jeune femme blanche m’a déposé sur le pas de la porte d’une caserne de pompier dans un quartier mal famé de Denver. Pendant longtemps je n’ai jamais rien su de qui elle était, pourquoi elle m’avait laissé là, dans le froid automnal de ce mois d’octobre. Une lettre avait été déposée dans le couffin avec quelques détails sur moi mais pas grand-chose la concernant elle. Il y avait seulement un prénom et une brève explication concernant mon abandon. Une vie instable, une immaturité qui ne la rendait pas capable d’être mère et surtout l’envie de poursuivre d’autres rêves. C’est ainsi que je fus placé dans une famille d’accueil.

Ça aurait pu être une belle histoire qui s’annonçait mais ce ne fut pas le cas. Ces deux adultes censés m’éduquer et m’aimer me laissèrent de côté, trop pris par leurs différents problèmes.

La crise économique priva ma mère de son travail. Les conséquences pour notre famille furent catastrophique. On perdit la maison dans laquelle nous vivions et on emménagea dans un petit trois-pièces dans une banlieue défavorisée de Denver. Mes parents étaient trop occupés avec leur travail et ils me laissaient souvent seul à la maison sans aucune surveillance. Sans cadre, ni limite parentale, je me mis à fréquenter de mauvaises personnes dans de mauvais quartiers.

Je me découvris un don pour les parties de poker. J’étais un excellent compteur de cartes et j’arrivais à déplumer tout un tas de joueurs. Dès que j’atteignis ma majorité, je déplumai plusieurs petits casinos de la région pour me faire un peu de frics. Je tâchai de faire des petits coups et en prenant soin de ne pas m’y attarder trop longtemps de sorte qu’on ne m’attrape pas. Cette combine marcha pendant un temps, jusqu’à ce que je tombe sur un joueur peu scrupuleux à qui je piquai tout et qui me tomba dessus à la sortie. À ce moment-là, alors qu’un soignant essayait de rafistoler mon visage ensanglanté, je pris conscience que je n’avais aucun but dans ma vie, que je n’irais jamais très loin en jouant les petits truands.

J’avais 27 ans quand mes parents adoptifs moururent dans un accident de bus. Sans aucun avenir et sans un sou je me retrouvai complètement seul. Il fallait que je prenne ma vie en main.

Je passai trois ans à Miami où j’exerçai le métier de croupier dans un casino. J’avais trouvé un semblant de stabilité jusqu’à ce que je retombe dans mes travers. De nouveau influencé, je me servis de mon don au comptage de carte pour monter une combine avec un type pas très fréquentable. Je comptais pour lui, il jouait pour moi. Bien entendu, mon employeur ne mit pas longtemps à découvrir le pot aux roses. Alors avant que l’on me tombe dessus, je pris mes cliques et mes claques comme on dit et j’avais foncé à Bar Harbor.

Pourquoi Bar Harbor ? Tout simplement parce qu’il y avait la frontière canadienne pas loin et que je me disais qu’en cas de problèmes, je pouvais toujours me déplacer l’autre côté pour échapper à la justice. Stupide idée ? Sans doute. Mais c’était le seul plan de secours que j’avais trouvé.

Ça fait trois ans que je suis dans cette petite ville et je m’y sens à ma place. J’ai arrêté les conneries et j’ai un boulot stable dans une scierie en tant qu’ouvrier forestier. Vous y avez cru au happy end ? Ça c’est la partie émergée. La partie immergée est que j’organise des tournois de poker pour me faire du fric et que depuis peu j’ai pris part à un trafic de drogue au sein de la scierie où je travaille. Non les gens ne changent pas …