All delighted people

Hazel était dans l’arrière-boutique. Elle n’ouvrait jamais très tôt mais ça ne signifiait pas qu’elle se tournait les pouces. Au contraire, c’était le moment qu’elle choisissait pour faire de la confection, des essais, tout ça. Elle avait démoulé et coupé quelques savons naturels de formes diverses et variées. Des savons assez petits qu’elle comptait mettre par grappe dans de petits sachets comme la « friture » de chocolat au moment de pâques. Avec les beaux jours allait également arriver la fête des mères et, un peu plus tard, celle des pères. Alors sur un petit carnet près d’elle elle notait quelques idées en vrac et vérifiait de temps en temps sur des sites fournisseurs si elle pouvait dénicher des moules sympas !

Bref elle se tenait occupée et parce qu’une bonne journée ne commençait jamais sans un café glacé au caramel (avec une touche de crème !) ou une slush à la framboise, elle avait rapidement été s’acheter ça dans un café voisin qui le connaissait très bien à présent ! C’est vrai qu’il faisait encore froid dehors mais en quelques jours à peine ils étaient passés des températures négatives à celles positives. Son on comptait même dans les deux semaines, ils avaient gagné quelque chose comme 15°c plus ou moins ! Alors comme tout le monde elle en oubliait un peu le froid pour se remettre à vivre comme si le printemps était déjà là alors qu’il n’arrivait que de manière timide.

D’un coup d’œil, Hazel vient vérifier un macérat huileux qui n’attendait qu’elle pour être incorporé à divers autres produits comme de la poudre d’ortie, un peu d’huile de ricin et bien d’autres choses encore. Des shampoings solides en devenir. Elle avait aussi préparé des tubes pour des baumes à lèvres qui aideraient à passer un peu le cap entre les changements de température et qui s’étaient arraché dernièrement ! Puis elle devrait s’occuper des fleurs payées à Gemma. Elle n’aurait probablement pas le temps de tout faire ce matin mais l’un dans l’autre elle n’était pas en retard sur ses prévisions non plus.

Hazel est en train de se demander si elle ne mettrait pas un peu de musique pour s’ambiancer lorsqu’elle entend qu’on frappe dans la boutique. D’un coup d’œil à sa montre elle s’assure qu’elle n’avait pas laissé le temps trop filer… Mais non. Curieuse, elle retire ses gants en latex pour les jeter dans une poubelle. Elle passe à l’avant, soulève la planche du comptoir et tout en s’approchant de la porte, elle devine un homme qui se tient derrière, plutôt jeune.

Son père détesterait l’idée qu’elle ouvre à un type inconnu comme ça mais soucieuse elle ouvre néanmoins, laissant la chaînette sur la porte !

Dehors, l’homme est comme elle l’avait deviné plus ou moins. Il est grand, mince mais avec une structure qui lui semble plutôt athlétique sous sa tenue. Il a le teint très légèrement hâlé. Moins qu’elle. Peut être une ascendance quelconque à moins que les rares rayons de soleil l’aient déjà embrassé un peu fort. Le vent à mis ses cheveux en bataille, faisant s’enrouler quelques courtes mèches comme des fusilli italiennes autours de son visage et sur son front.

Hazel esquisse un sourire, se renseignant rapidement :

« Je peux vous aider ? »

Elle tente de regarder par-dessus l’épaule de l’homme, voir s’il se passait quelque chose dehors… mais tout semblait calme. Il portait un sac qui, vu sa tête, devait contenir des vivres. Et au cas où :

« Vous êtes livreur pour l’épicier… ? »

Elle habitait au-dessus mais elle n’avait rien commandé. Peut être une erreur sur l’adresse de livraison ?

« C’est à quel nom ? Je peux peut-être vous renseigner. »

C’est un peu là-dessus que son air change. Elle venait de voir le portefeuille dans une main de l’homme et spontanément elle porte la sienne à sa poche, notant l’absence de l’objet ! En un instant elle referme la porte, défait la chaînette et la rouvre en grand !

« C’est mon portefeuille ? Je l’ai oublié au café ?? »

Et râlant après elle-même :

« Je suis tête en l’air à ce point ? Sérieux ? »

Si elle savait !

Oups, la boulette ! Hazel a une petite grimace désolée en réalisant son erreur. Le Harmony Heights ça lui parlait. Elle était déjà passée devant quelques fois en vélo mais elle n’était jamais vraiment entrée. Pareil pour plein de restau du coin et pourtant elle était née ici hein ! Mais bon, avec son diabète parfois capricieux, ses moyens limitées et le reste, disons qu’elle ne fréquentait pas beaucoup les restaurants. Et encore moins leurs cuisines, quand bien même ceux qui y travaillaient étaient mignons !

« Dans la rue ? »

Elle soupire, excédée par elle-même, reprenant néanmoins le portefeuille des mains de l’homme.

« Merci beaucoup. On a beau être une petite ville, tout le monde n’aurait pas eu votre réflexe. »

Hazel ouvre rapidement l’objet pour vérifier ce qu’il contient. Rien ne lui semble lui manquer. Un peu d’argent liquide, pas de quoi fouetter un chat… Des cartes de fidélité à ne plus savoir quoi en faire, des tickets de caisse qui dataient de six mois plus tôt… bref !

« Vous… Non attends, je pense qu’on peut clairement se tutoyer. »

Ils devaient avoir le même âge à peu de choses près et la situation n’avait clairement rien « d’officielle » ni rien qui méritait qu’ils se donnent du « vous ». Bref, maintenant que c’était dit :

« Tu as bien fait, y a pas de soucis. »

Le pire qu’il aurait pu trouver c’est une serviette hygiénique de secours si elle avait été dans sa « mauvaise période du mois » et franchement, ça ne les aurait tués ni l’un ni l’autre ! Il n’aurait peut-être même pas compris ce que c’était… !

« Tout à l’air là. Je pense que tu es le premier à l’avoir ramassé. »

Elle avait de la chance. Parce qu’elle avait aussi deux cartes de crédit là-dedans. La sienne et puis celle du magasin quoi. Mais son bienfaiteur son montre curieux… Et Hazel lui doit carrément au moins ça ! Alors elle ouvre en grand pour le laisser passer !

« Entre, si tu as deux minutes. »

Et d’ordonner à Newt :

« Couché. »

Puis à son compagnon :

« Tu n’as pas peur des chiens ? Newt est la douceur incarnée. Et puis c’est un chien d’assistance, il est dressé pour être très calme. »

Hazel montre le comptoir à son invité :

« Tu peux poser ton sac là si tu veux. Au fait, je m’appelle Hazel, même si du coup ça tu le sais… ! Et toi ? »

Elle vient ensuite passe dans un petit rayon de pain de savon et de balles moussantes à la violette.

« Je fais des produits d’hygiène et de soin naturels, avec des produits locaux autant que possible. Mon truc aussi c’est la cuisine mais pas vraiment le même genre ! »

Hazel en rit mais d’ailleurs :

« Je voudrais t’offrir un produit pour te remercier. Et j’insiste. Alors tu as le choix entre le choisir toi-même ou t’en remettre à moi ! »

Elle a un petit clin d’œil pour le beau jeune homme, ajoutant :

« En plus après tout ce temps à travailler à proximité, il était temps qu’on fasse connaissance je crois… ! »