All delighted people

Il n'y a rien d'agréable pour une personne telle que Lorna de se retrouver dans un salon du tatouage, mais cela ne l'aurait pas aidé non plus à y échapper encore. Si au début, la jeune femme préférait rester loin de tout cela, elle ne pouvait pas non plus nier que cela pouvait lui être préjudiciable de ne pas s'y rendre. C'est dans ce genre d'endroit qu'on fait connaître son talent et que l'on attire les clients. Le bouche à oreille, il n'y a rien de plus bénéfique pour un artiste. Et autant dire que la jeune femme ne voulait pas passer à côté de cela, ni se laisser bouffer éternellement par ses malaises comme la gangrène pouvait dévorer un membre. Il fallait parfois faire face à ces craintes pour sentir que la victoire était à portée de main. Certes, Lorna sera épuisée ce soir, mais ce serait une fatigue bénéfique. Elle se coucherait avec à l'esprit la sensation victorieuse d'avoir passé encore un cap. De sentir qu'elle pouvait faire plus qu'elle ne le pensait. Que celle-ci pouvait être bien plus courageuse qu'elle ne le croyait au quotidien. On ne peut pas dire que les personnes atteintes d'un trouble comme le sien ait une bonne vision d'eux-mêmes. après avoir vécu avec des personnes qui vous ont constamment rabaissé, on finit par le croire et à passer la plupart du temps à s'autoflageller. C'est un défaut que l'on doit combattre au quotidien, surtout quand on préfère reculer. Sur le moment, on ne peut pas percevoir que parfois pour bien avancer, il faut savoir faire un pas en arrière.

Bien que Lorna ait angoissé les jours précédents le salon du tatouage, il y avait aussi une forme d'impatience qui l'habitait. Le simple fait de montrer son savoir-faire suffisait à la rendre comme une gamine attendant impatiemment le jour de Noël pour ouvrir ses cadeaux. Sauf que dans une certaine forme, c'était le Père Noël qui allait offrir un cadeau à ceux qui viendraient à son stand.

Comme le tonnerre qui vous fait trembler, Lorna a dû faire face à des nouveaux visages pendant qu'elle préparait son lieu de travail. Pour ne pas stresser davantage, elle s'était centrée que sur elle-même et ce qu'elle faisait exposant ses photos book montrant son travail. Lorna était le genre de tatoueuse qui savait exploiter la finesse des dessins, mais aussi les côtés bruts. Il fallait un véritable caméléon dans ce domaine. Autant dire que la jeune femme a travaillé extrêmement dur pour en arriver là où elle en est.

Être dans un salon de tatouage, c'était s'exposer à l'œil critique de plusieurs tatoueurs et tatoueuses venus du pays voir de l'étranger pour la plupart. C'était assez étonnant, mais Bar Harbor savait attirer le monde à lui et donc des touristes. C'était une bonne chose en soi, mais cela donnait encore plus d'angoisse à Lorna. Et pour diminuer ses craintes naissantes, la jeune femme n'avait qu'à regarder les photos de ses animaux pour lui donner du baume au cœur. De mettre du sucre dans l'amertume qui gagnait son esprit.

Tu en es capable.

C'était ce qu'elle se répétait sans cesse alors qu'elle observait autour d'elle croisant parfois le regard d'une tatoueuse qui semblait vouloir mordre tout le monde comme un mamba noir prêt à l'attaque. Mais après une bonne inspiration, Lorna se concentra sur ce qu'elle devait faire et rendre son stand le plus accueillant et agréable possible.

Rapidement, les gens arrivaient et elle observait ce ballet tout nouveau pour elle. Ce à quoi elle ne s'attendait pas, c'était d'avoir un certain succès. Des petits tatouages pour la plupart, surtout dans le détail qu'elle pouvait réaliser rapidement. C'était pour ces clients, leur premier tatouage, donc une expérience qui pourrait entraîner un renouvellement de cette aventure artistique. Bien évidemment, pour des tatouages un peu plus grands et importants, il fallait avoir pris rendez-vous à l'avance. Et pour cela, le site internet du salon du tatouage avait tout prévu. Lorna y avait exposé son talent et montré par quelque photo ce qu'elle pouvait faire. Elle avait judicieusement sélectionné des tatouages qui pourraient attirer autant des hommes que des femmes.

Sa prochaine cliente était une jeune femme qui, pour sa seconde fois voulait un tatouage d'inspiration floral. C'était assez en vogue pour la plupart des femmes. Cela exprimait souvent des souvenirs d'enfance, une évolution certaine. Que ce soit de la rose au papillon, il y avait une forme d'évolution.

La rose est une métaphore de l'amour, de l'espoir et de la beauté. Une évocation très nette de comment la jeune femme voulait se voir. Tandis que le papillon évoque la capacité à se renouveler, synonyme de renouveau et d'un nouveau départ.

Le tatouage n'est pas que l'expression de ce que l'on aime, mais de ce que l'on est aussi. En fait, cela peut traduire tellement de choses qu'il serait difficile d'en faire une liste tant celle-ci peut être longue. Plus il y avait de finesse et de travail, plus Lorna adorait ça. La tatoueuse avait suivi à la lettre le désir de sa cliente en espérant qu'elle puisse avoir le feu vert pour le commencer.

L'attente ne fut pas très longue parce qu'à voir le visage illuminer de la jeune femme, Lorna pu se mettre au travail non sans donner les recommandations habituelles. Un tatouage n'est pas sans douleur et il n'y avait pas de remède miracle pour ne pas trop sentir la sensation des aiguilles perforant la peau. Il fallait accepter et supporter. Lorna espérait simplement que la peau de sa cliente ne serait pas aussi sensible que la sienne. Mais Lorna avait ses astuces et elle les partageait toujours avec plaisir pour que le moment soit le plus agréable possible.

Le feu vert donné, Lorna commença le tatouage faisant abstraction de ce qu'il se passait autour d'eux pour se concentrer uniquement sur ce qu'elle faisait et au bien-être de sa cliente avec qui elle discutait. On pourrait être surpris de constater à quel point, Lorna semble une personne différente. Comme si elle n'avait ni phobie sociale ou ces diverses crises qui pouvaient lui pourrir la vie. Elle était simplement une personne, qu'elle qualifierait de normale, qui se sentait chanceuse de faire plus qu'un travail. Une véritable passion. Très attentive, à la femme qui se faisait tatouer, Lorna lui parlait pour qu'elle puisse penser à tout autre chose. Savoir pourquoi ce tatouage en particulier. Et ce n'était pas étonnant que les fleurs est une image de sa grand-mère qui a eu une grande influence dans la vie de cette femme. Quant aux papillons, c'était une vision d'évolution. Celui qui sort de son cocon pour renaître et changer de vie pour quelque chose de meilleur.

Durant certains moments, Lorna permettait à la femme de boire un peu et de prendre quelques bonbons. La tatoueuse savait pertinemment que cela pouvait aider alors, elle avait tout prévu pour adoucir plus encore le moment.

En soit, le tatouage ne demandait pas énormément de travail. Le temps était plutôt raisonnable, mais c'est aussi un motif qui se fait assez souvent et sur lequel Lorna pouvait le faire les yeux fermés.

Les gens allaient et venaient l'observant travailler, mais Lorna ne faisait clairement pas attention se concentrant sur ce qu'elle faisait. Heureusement, c'est le genre de tatouage qui ne lui prend pas de temps, sauf pour peaufiner les détails. Par chance, sa cliente étant du coin, Lorna pour apporter les retouches nécessaires au besoin.

<< Et voilà. >> Fit-elle en passant un peu d'eau stérile sur le tatouage pour hydrater la peau et la soulager de la brûlure qu'on pu apporter les aiguilles. Puis, bien entendu, un savon à ph neutre et elle recouvre la peau avec du cellophane. Lorna offre quelques conseils habituels que connaît tous les tatoueurs en ajoutant sa petite touche qui a su faire des miracles avec elle, comme l'utilisation d'une crème pour bébé à ph neutre pour soulager les rougeurs et aider le tatouage à cicatriser au mieux.

Lorna laisse sa cliente apprécier le résultat alors que Lorna prend quelques photos pour son propre book et instagram. Elle était fière du résultat et voir les larmes de joie sur le visage de sa cliente suffisait au bonheur de la tatoueuse. << Je vous en prie, ce fut avec plaisir. >> Fit-elle avec sa douceur habituelle avant de revenir dans le moment présent.

Les gargouillis dans son ventre lui signifiant, qu'elle avait besoin de manger un peu. Mais elle devait nettoyer et ranger un peu avant de débuter l'après-midi du salon de tatouage. Lorna était une femme très minutieuse et le rangement ainsi que le nettoyage lui apportaient de la satisfaction. L'ordre l'aidant à mieux dominer les mauvais tours de son esprit. Sentant une présence derrière elle, la jeune femme finit par se retourner et fait face à la tatoueuse qui semble vouloir mordre tout le monde. Autant dire que la pauvre Lorna ne se sent pas vraiment à son aise, mais elle préfère garder le sourire. << Bonjour. >> Fit-elle pour commencer, bien que le regard de la jeune femme ne l'encourageait pas à être plus à l'aise. << J'adore vos tatouages, vous avez un sacré style. >> Lorna la regarde ne sachant pas quoi dire de plus en vérité. La jeune femme n'étant jamais très à son aise avec les étrangers, mais quand on apprenait à la connaître et qu'elle se trouvait un peu plus à son aise, c'est une autre personne qui lui faisait face. << Comment a été votre matinée ? >>

Spoiler:

Pour une personne comme Lorna, les endroits bondés ne sont jamais une bonne idée surtout lorsqu'on ne se prépare pas à l'avance. Et même si la jeune femme le fait, on ne peut pas être sûr si elle sera bien ou non. Alors, dans l'optique que tout se passe bien, Lorna se concentre sur la seule chose qui la rend heureuse et surtout normale à ses propres yeux. Comme si tout ce qu'elle a, n'avait au final jamais existé. Le tatouage lui a permis de se sortir de la dépression. Se concentrer sur quelque chose qui vous rend heureux, cela n'a pas de prix. Et Lorna n'a pas eu de grands bonheurs après la mort de sa mère. Elle a surtout été dans une prison où les deux personnes qui auraient dû l'aider l'ont, au contraire, dit ce qu'elle devait faire, comment et quand. En trouvant l'amour, elle pensait pouvoir se libérer, mais au final, elle n'a fait que quitter une prison pour entrer dans une autre.

Alors, tout ce qu'il y a ici. En ce moment. C'est une récompense qu'elle se doit de mériter. Peu importe si elle fait une légère crise d'angoisse ce soir, elle pourra compter ce jour comme une nouvelle victoire. Une victoire qui ajoutera plus de miel sur l'amertume d'une existence qu'elle tente de rendre heureuse et telle qu'elle le souhaite. Malgré les hauts et les bras, Lorna sait que cela sera pour l'aider et non pour l'enfoncer. Car on le sait tous, la vie n'est pas rose, il peut y avoir des complications, mais c'est pour apprendre à avancer et à se renforcer. Se prouver à soi-même que l'on peut y arriver malgré les faiblesses et les doutes. Après tout, il y a quelque temps encore, Lorna aurait tout simplement refusé de participer à un salon du tatouage. Cela aurait été trop pour elle. Trop a géré émotionnellement , mais aussi physiquement.

La matinée s'est tellement bien passée, de façon si fluide et on peut le dire si douce, que Lorna a eu le bonheur, même infime de se sentir normale. Sans phobie sociale, sans crise d'angoisse, ni de panique et d'anxiété. Libéré rien qu'un instant de ces chaînes qui sont si lourdes au quotidien. La seule chose qui s'enchaîne à elle, c'est la faim. Le petit-déjeuner a été mince. Deux tartines de beurre à la confiture de myrtilles et un café. Une madeleine pour la gourmandise, mais rien de plus jusqu'à maintenant. Sauf de l'eau bien entendu.

Nettoyant son espace de travail pour souffler et aussi se préparer à affronter le monde parti se nourrir dans le coin restaurant, l'esprit de la tatoueuse est un peu ailleurs. Elle tente de se dessiner mentalement un environnement qui apaise les battements de son cœur, qu'elle sent un peu plus fort. Rien d'anormal pour une personne comme elle, c'est tristement habituel autant que la tension qui fait comme un yoyo. Elle monte et descend à sa guise.

Et la personne qui s'approche n'encourage pas vraiment à ce que la pauvre soit à son aise. Pourtant, Lorna fait l'effort de se montrer courtoise et chaleureuse même si elle sent son palpitant tambouriner encore plus contre sa cage thoracique.

- Ouais, merci.

Esquissant un léger sourire, Lorna la regarde comprenant rapidement que son interlocutrice devait être le genre à avoir un caractère bien trempé qui ne se laisse pas marcher sur les pieds. Pas la peine de la connaître quand ça sort par tous les pores de sa peau.

- T'as du voir, j'ai eu une nana sur qui j'ai pu faire un travail stylé, mais après le reste, juste des mecs qui j'pense s'intéressaient plus à la tatoueuse qu'à son travail. Bande de débiles.

« Oui pareille, à croire que les femmes ont été plus audacieuses et courageuses sur leur envie de tatouage. » Lorna la regarde hochant la tête. « Je ne remarque pas vraiment ce genre de chose. Je ne me concentre que sur le tatouage, mais pas le reste. » Tenter de flirter avec Lorna n'est pas chose aisée. Elle n'est pas douée en la matière et n'est pas à son aise non plus dans le jeu de la séduction. Ce n'est pas le genre à concocter un plan pour séduire quelqu'un. Elle reste elle-même. Mais son naturel se résume à la timidité donc, elle n'ose pas. Mais il faut dire qu'elle se rabaisse tellement aussi. Une attitude liée à son passé où on a fait que la déprécier pour mieux la manipuler. Ce genre de démons, il est difficile de s'en débarrasser. Entendant son estomac gargouiller, Lorna se confond en excuse. Gênée. La pauvre, elle est intimidée par un rien.

- Vas y j'vais chercher un truc à manger, dis moi c'que tu veux c'est moi qui régale, et quand j'reviens, tu me montres ton travail, c'est bon pour toi ?

« Euh quoi ? » Lorna rougit un peu, elle ne s'attendait pas à cela. Ce n'était pas habituel pour elle qu'une personne qu'elle vient à peine de rencontrer lui propose de payer le repas. Hésitant un instant, Lorna est cependant encouragé par le regard très clair et sûr de la jeune femme face à elle. « Et bien… Je veux bien un sandwich au poulet… Mais sans mayonnaise. » Lorna supportait rarement la mayonnaise industrielle. Elle préférait la faire elle-même si vraiment l'envie était là. « Et un thé glacé au citron… » Elle ne mangeait pas énormément, mais ce serait suffisant pour elle. Surtout pour survivre jusqu'à la fin de la journée. « Je reste là… Je ne bouge pas alors. » Elle se mord la lèvre. « Vous êtes sûre que… Enfin… Que ça ira pour vous ? » Lorna était prête à sortir son porte-monnaie pour donner de quoi payer son déjeuner, elle n'était clairement pas habituée à ce genre de chose et ça se voyait.

Spoiler:

La vie, c'est un combat qu'on doit mener de front qu'on le veuille ou non. Mais tout le monde ne peut pas prendre cette évidence de la même façon. Lorsqu'on est affecté par le mal dont souffre Lorna, les choses prennent du temps. La force et le courage se trouvent être tellement loin que le simple fait d'avancer sur ces deux mots vous brûlent tout entier. On se sent consumé et pas d'une manière appréciable. On ne sent mise à part avec l'impression qu'on n'a pas de place dans ce monde. C'est un sentiment qui a poursuivi Lorna toute sa vie et que son père et son ex-mari ont pris soin de nourrir. Pourtant, Lorna se sait capable de tellement de choses. C'est une guerrière qui s'ignore et qui a été capable de quitter l'Alaska seule pour une ville dont elle ne connaissait rien. Rien ni personne. Elle a pris sa peur à bras-le-corps et l'a affronté. Néanmoins, les vieux démons sont là, se tapissant dans l'ombre de nos craintes et sont prêts à frapper à tout moment pour vous faire reculer. Pour s'immiscer dans votre esprit murmurant l'incapacité d'affrontement qui est la vôtre.

Voir cette femme face à elle. Droite, fière et bourrée de confiance en soi, donne l'impression à Lorna d'être écrasée. L'envie la submerge. L'envie d'être comme ça. D'être normale et de pouvoir se présenter face à quelqu'un sans avoir à se poser une tonne de questions. La pauvre en perd tous ces moyens lorsque la tatoueuse lui propose de payer le déjeuner. Stupidement, Lorna cherche de l'argent à lui donner pour payer sa part, mais au fur et à mesure de ses mouvements, elle se rend compte qu'elle est totalement à côté de la plaque. À tel point qu'elle en a envie de pleurer, se maudissant de toutes les façons possible intérieurement.

- Oh, j'ai dit que c'est moi qui invite, garde tes thunes là. Au pire t'iras payer les cafés dans l'aprem, ou les whiskys ce soir si jamais on se découvre des passions communes.

C'était justifié une telle réaction qui coupe Lorna dans sa recherche. La jeune femme se retourne alors vers elle. Souriant, légèrement confuse. Mais peut-on lui en vouloir quand on a passé sa vie à être critiqué et à être celle qui doit toujours donner, offrir et payer ? Entretenir deux hommes qui n'en valaient même pas la peine. Les vieilles habitudes ont la vie dure et ce proverbe est tellement vrai. Tellement horrible en un sens. « D'accord… Avec plaisir. » Lorna ne boit pas vraiment. Peut-être un verre voir deux, mais quand elle conduit, la jeune femme préfère rester sobre. Elle a eu deux exemples dans la vie qui lui ont montré que l'alcool et le volant ne font pas bon ménage. La peur au ventre lorsque quelqu'un de ivre conduit, elle sait ce que c'est.

- Au fait, je m'appelle Iris, si jamais tu te poses la question.

« Lorna. » A-t-elle le temps de dire avant que celle-ci ne s'efface dans la foule pour rejoindre l'espace restauration. De quoi permettre à Lorna de se calmer. De prendre le temps de faire un exercice de respiration.

Inspirer. Bloquer. Expirer.

Elle fait ce petit rituel à cinq reprises et lentement, la tatoueuse sent les battements de son cœur se calmer. Prendre un rythme normal. Plus sain pour celle-ci. S'installant sur une chaise, la demoiselle se perd dans la contemplation de l'espace qui servait de tatouage. Plus libre et plus calme à cette heure. Et donc, bien évidemment, un environnement en adéquation avec Lorna. « T'es stupide de paniquer comme ça. » Fit-elle à voix basse. Plus pour elle-même que pour une autre personne. « Calme-toi… T'as déjà affronté pire. » Après tout, n'avait-elle pas accompli des choses aussi difficiles que les 12 travaux d'Hercule ? C'est une peu comme ça qu'elle se sentait par moment.

-Tiens, c'est pour toi.

Lorna était tellement concentrée sur ses pensées. Sur son rituel d'apaisement, dirons-nous, qu'elle ne s'est aperçu de rien, même pas des voix qui se sont levées l'une plus haute que l'autre. « Merci, c'est gentil. » Elle prend son sandwich avançant un tabouret pour qu'Iris puisse s'installer à son aise. Échanger sur le tatouage, c'est une façon saine et agréable d'entamer une discussion avec Lorna. Cela lui permet de se mettre peu à peu à son aise sans avoir à stresser. Elle se sent capable de faire ressortir la personne qu'elle est vraiment. La passionnée et l'amoureuse de l'art. Elle fait partie de ces personnes qui pratiquent une passion pour gagner leur vie. Alors, se rendre au travail, c'est un plaisir foutant en l'air les angoisses. Même si ces dernières se montrent, l'amour de son travail prend le dessus, la calme et fait naître la valkyrie qui ne cherche qu'à trancher le mal dans le vif.

Lorna confie à Isis qu'elle est tombée dans le tatouage par hasard quand elle travaillait encore comme serveuse dans un bar usant de ces moments de pauses pour dessiner attirant l'œil d'un tatoueur assez réputé de son petit coin de pays. À force de persévérance, elle s'est lancée sans jamais regretter d'avoir tenté une si belle aventure. 5 ans dans le domaine et elle continue d'apprendre même si on dit de cette dernière, qu'elle est déjà talentueuse. Après tout, 5 ans, c'est si peu comparé à d'autres personnes dans le domaine. Pourtant, on commence tous quelque part, n'est-ce pas ? D'ailleurs, c'est des étoiles dans les yeux que Lorna parle de tatouages voyant ainsi cette passion qui l'enflamme à chaque pique de cette aiguille qui perfore la peau pour dessiner lentement un dessin qui sublime le corps.

- Allez, montre moi ce que tu tatoues, j'suis sûre que ça doit être cool.

« Avec plaisir ! » Lorna sort les deux books qu'elle a pris avec elle pour les poser devant Iris. D'ailleurs, la pauvre devait se demander pourquoi Lorna si doucement un sandwich plutôt basique. Avec l'angoisse, on a dû mal à avaler quelque chose. De ce fait, la tatoueuse sait qu'elle doit prendre son temps pour ne pas se sentir mal.

- Voilà, j'ai le mien aussi, comme ça pas de jalouses, héhé.

« Super. » Clairement, Lorna avait hâte de découvrir le style d'Iris et en ouvrant le book, le regard de Lorna est déjà sous le charme. « On dirait… Des bijoux… C'est magnifique. » Elle aimait ce style minutieux et délicat comprenant alors peu à peu les préférences de la tatoueuse qui se trouvait à ces côtés. « J'adore ce détail que tu mets dans la chaîne, c'est incroyable. » Elle se tourne alors vers elle. « Et tu tatoues depuis combien de temps ? T'as une préférence sur ce que tu préfères tatouer ? Personnellement, j'aime quand c'est dans le détail. J'aime ce qui a attrait à la nature et à la mythologie. Plus tu dois mettre de temps et de détail et plus j'aime ça. »

Spoiler:

Lorsque deux personnes discutent d'une passion commune, le temps n'a plus d'impact. Il devient secondaire dans la bulle que se sont créée les deux jeunes femmes. C'est étonnant de se lier autant en si peu de temps. Jamais encore, Lorna n'a eu ce sentiment. En fait, elle a toujours été à part ayant besoin de temps pour se détendre ainsi. Surtout avec une personnalité aussi forte qu'Iris, cela se sentait dans chaque pore de la peau de celle-ci qu'il ne valait mieux pas l'énerver. Sans détour et aussi dur que le roc. C'est le genre de caractère que la tatoueuse envie facilement. Le genre qu'elle aurait aimé avoir, ce qui lui aurait évité pas mal de déconvenues par le passé que ce soit avec son père, son ex-mari et elle n'aurait pas eu tout ce bagage de difficultés psychologiques. Pourtant, son psychologue lui dit qu'elle est forte. Faire autant de kilomètres pour adopter une nouvelle vie malgré ce mal-être qui la ronge, c'est faire preuve d'une force très grande. Encore aujourd'hui, Lorna se demande comment elle a pu réussir cet exploit. Elle se contente de le savourer, même si parfois son esprit se dirige vers des pensées négatives qui la diminuent au lieu de la valoriser.

-J'aime bien faire du réalisme et de l'hyper réalisme, la plupart du temps en noir et gris, sauf pour les bijoux ou j'adore mettre les couleurs correspondants aux pierres précieuses demandées.

Le sourire de Lorna se dessine aux paroles de sa nouvelle connaissance. Qui sait, peut-être qu'avec le temps, une amitié naîtra entre elles. En tout cas, c'est bien parti pour emprunter cette route. « J'adore les tatouages qui demandent de la précision et du détail. Qu'importe le thème d'ailleurs. » Plus elle y passait du temps et plus Lorna sentait son cœur vibrer en même temps que sa machine. Mais aussi ses papillons dans le ventre qui prennent vie comme un nouveau sentiment qui se fait connaître et vous transporte. « J'aime la couleur, mais pas sur tous… Parfois, je conseille de ne pas trop charger à ce niveau. » Pourquoi surcharger le tout ? Cela gâche un peu, du point de vue de Lorna. Mais chacun sa vision, n'est-ce pas ? « Tes tatouages de bijoux sont vraiment sublimes, on croirait qu'ils sont vrais. Franchement, j'en suis amoureuse. »

La conversation est fluide. Naturelle. C'est presque désarmant une telle sensation. Si rare et pourtant précieux pour Lorna qui se sentait soulagée intérieurement. Venant même à oublier durant ce moment avec Iris, cette angoisse qui l'avait gagné un peu plus tôt.

-Bon, il reste encore quelques heures de salon, je retourne à mon stand. On se recapte après, quand les visiteurs sont partis.

Regardant l'heure sur son portable, Lorna se rend compte que la pause est terminée. L'heure est passée si vite, trop à son goût. Mais au moins, elle allait replonger dans sa bulle pour ne pas se focaliser sur son angoisse. « La pause est trop vite passée. » Fit-elle en souriant doucement, même si elle préférait soupirer. « Oui, avec plaisir. » Saluant Iris qui retournait à son stand, Lorna n'eut guère le temps de respirer que déjà son premier rendez-vous de l'après-midi se trouvait là. Parfois, pour des tatouages spécifiques, certaines personnes devaient prendre rendez-vous par avance et c'était le cas pour celui-là. L'homme avait son idée précise et Lorna avait étudié et travaillé le tatouage en question. Son client voulait un tatouage en référence au jeu Assassin's Creed Vahalla. De quoi plaire à Lorna qui est amoureuse de tout ce qui est en rapport avec les vikings. Alors, son après-midi était bien parti !

Une après-midi qui se déroulait tant et si bien, que la jeune femme était plongée dans son monde non sans oublier son client avec qui elle discutait. Un tatouage au dos n'était pas évident, certaines parties faisant plus mal que d'autres. Sans doute, auront-ils besoin de plus d'heures de travail, mais la jeune femme avait déjà prévu le coup. Heureusement que son client était du coin, ce ne serait donc pas difficile d'avoir un prochain rendez-vous avec lui.

Le dernier tatouage de cette longue, mais parfaite journée était quelque chose de plus délicat. Fleur de pissenlit soufflée par le vent située sur l'omoplate droite. Commun pour une femme et qui représente l'innocence et la pureté de l'enfant qui sommeille en chacun. Symbole de l'imaginaire, du rêve éveillé et de l'émerveillement. Le pissenlit en lui-même est représentatif de liberté, de voyage lointain et d'aventure. Tout ce dont un enfant rêve lorsqu'il perçoit le monde et que l'on oublie parfois en grandissant.

-Putain mais c'est super fatiguant de tatouer toute la journée comme ça... T'as encore de l'énergie toi ?

Ces clients étant partis satisfaits, Lorna en avait profité pour prendre des photos pour son book, mais aussi pour montrer à ses collègues ce qu'elle avait fait au salon du tatouage. Le sourire aux lèvres, elle regarde Iris. « Moi ? Toujours, je dois dire que je suis en pleine forme. » Un rire léger traverse ses lèvres. « J'ai la chance de faire plus qu'un métier, c'est ma passion. C'est un feu qui me pousse toujours plus loin dans la créativité et l'imaginaire. » Mais on rencontre des personnes de tous les horizons. Chacun ayant sa propre histoire à raconter ou graver sur la peau. C'est ce qui plaît à Lorna. Elle écoute, conseille parfois aussi et rassure. Ce sont des confidences qui se font entre le tatoueur et le client. C'est un métier bien plus profond qu'on ne peut le penser. « Est-ce que… » Elle se mord la lèvre. « Tu voudrais qu'on aille boire un verre ? Sauf si tu as quelque chose à faire, je comprendrais. Je te laisserais mon numéro de téléphone pour qu'on puisse rester en contact. » Étrangement, Lorna se sentait bien avec Iris. La jeune femme savait pertinemment que la passion qui les avait uni, a aidé à mieux se rapprocher.

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